29 jun 2011

Érase una vez / Il était une fois

Érase una vez

Rabia

Lucha

Tristeza

Érase una vez

Más rabia

Más venganza

Más tristeza

Érase una vez

Érase una vez

Érase una vez


Basta ya

Nacer

Cantar

Bailar

Nacer

Sonreír

Vivir


Ser una vez

Alegría

Alegría

Alegría




Il était une fois

Colère

Lutte

Tristesse

Il était une fois

Il était une fois

Il était une fois


Assez

Naître

Chanter

Danser

Naître

Sourire

Vivre


Être une fois

La joie

La joie

La joie





J'ai dû tricher un peu avec la traduction. Beaucoup plus facile d'écrire directement le texte que de traduire. Le texte original était en espagnol.

8 jun 2011

Le ciel non plus je ne pouvais pas le peindre

Extrait de Le ciel non plus je ne pouvais pas le peindre, disponible dans toutes les bonnes bibliothèques.
Merci à Madame Francine Vernac pour avoir cru en mon talent.


La maladie, c’est toujours la perte de sa dignité. Les sales blancs veulent vous empoisonner parce qu’ils ne désirent pas de collègues cum conscience et dignité parmi eux. Eux, il ne leur reste plus rien. Seulement la peur qu'un jour il n'y ait plus de chèque, parce que toute leur dignité réside dans quelques chiffres de rien du tout. Les grands-pères avaient l'amour de leur simple métier. Les pères n'ont pas su transmettre cet amour-là. Maintenant, les 100 blancs ont des fonctions et c'est tout ce que ça leur prend pour se dire humains. Ils mettent toute leur dignité dans des chiffres vides et sans couleurs, oubliant chaque jour d’enfiler leur sourire. Ne trouvez-vous pas que les machines sont souvent plus humaines que les humains qui agissent en robot? Il faudra régler tout ça avant de partir, Docteur Feller, parce que ça ne peut pas continuer. Tout le monde est malheureux. Ceux qui ont la conscience ont le devoir de faire quelque chose.
Le ciel non plus je ne pouvais pas le peindre, Denise Blais, Éditions Le Loup de Gouttière, 1999, p.108

30 may 2011

François


Pas d’étoile au firmament

La France m’envoie un François

Bienvenue entrez faites comme chez vous

On parle folklorique et musique

Zique, zique, zique

On évite littérature

Schschschschsch

Van Gogh et Picasso au galop


François est mort vive François

On m’envoie un autre François


Ça recommence

Musique folklorique

Schschschschshcsch!

Picasso et Rodin au besoin


Derrière tous ces palabres anodins

Le point de fuite toujours le même

Le triangle maudit


Venez, n’allons pas danser

Mourons ensemble dans la clairière abandonnée

Abandonnons les corps et les émois

Ne restons pas là


Fuite maudite

Triangle éternel

Dieu n’est pas mort


François est mort

Ascension fulgurante

Petit nuage de fumée envolée


Société infernale

C’est elle qui l’a tué

Ventre troué

Assassiné

Délivrance ultime

Enfin le coma, la joie

Partir, enfin


François est vivant

Il parcourt l’appartement

Il le prend, il l’achète, il le vend

François rit, il est bien vivant


De petites rides se sont creusées autour de ses yeux bleus

Il a souri malgré le suicide

Il a les rides d’un homme de quarante ans

Mais n’en a que trente

François a survécu au suicide du père

François croit à l’exil en pays lointain


J’accueille tous les François de la terre

Et je leur fais visiter

Bienvenue sur la planète Terre


Comme elle est petite

Comme elle n’est pas grande

Je sais, je sais

On s’imagine

On imagine toujours autre chose

La façon dont le Petit Prince en parlait

Je sais, je sais

Il faut s’habituer, c’est tout

Vous vous habituerez vous aussi

Vous vous habituerez, François

Et puis, un jour, on l’aime et on ne veut plus la quitter


Je n’ai rien choisi du tout

Ni la maison

Ni la couleur des murs

Ni la forme des pièces

Ni les voisins

Ni rien du tout

Et le voisin a choisi de m’ignorer

Enfin, lui, croit qu’il a tout choisi

Lui a tout

Et moi, rien


La roue tourne

Et je m’ennuie de toi, François

De cette unique nuit

Où nous avons ri comme des fous


Nous avons épuisé le rire

Il en est mort

Et l’enfant n’aura jamais connu son père


Toi, si vivant, si près de la mort

Toi dans le lit ricaneur

Parce que la boule ne peut plus être sérieuse

Que s’est-il passé?


La boule qui redevient sérieuse

Qui passe de la gorge à l’estomac


La boule qui prend toute la place

Qui anéantit tout

L’espoir qui disparaît

Le recours à l’efface-mémoire

La noyade à l’eau-de-mort


François mon amour d’une nuit

Je n’aime pas l’idée de ta disparition

Je m’y ferai, c’est tout


Entrez, entrez, oui, oui, c’est bien ici

C’est ici qu’on joue toute la vie

À gauche, Nintendo

À droite, jeux de guerre au laser

Copulation interdite pour raison d’hygiène et de santé

Ici, cartes, bingo, loterie

Là, échecs, échecs, échecs

C’est bien ici qu’on s’amuse ferme jour et nuit


François, comment c’est là-bas?

L’enfer c’est la terre

Je n’entends pas

Qui a parlé?


Tous les François de la terre

Par ici le paradis

C’est gratuit

Pas besoin de numéro

Seulement garder le rang

Tout le monde sera content


François mon amour d’une nuit

Donne-moi des nouvelles

Mon amour de toute une petite vie

Je t’embrasse par-delà la grande nuit

Et je t’aime

Même si on ne sait pas ce que ça signifie


Toute la terre est verte

Et toi, tu es parti


Des chapeaux pour tout le monde

Le soleil frappe fort

Et le gagnant de ce magnifique condo

Est...

François!

Bravo François! À droite la piscine

À gauche le garage, en bas le gazon, en haut le ciel


François de la terre

C’est beau la vie, on dit

Mon corps meurt de le croire tellement fort

Et le tien est parti


Par ici, par ici, la fête n’est pas finie

Qui aura l’honneur de gagner le premier séjour sur la Lune?

Attention, les jeux sont faits

Et le hasard tombe sur...

François

Bravo François! Un magnifique voyage pour deux sur cette merveilleuse planète


Tout mon corps crie

Ne t’en va pas!

Il est trop tard

Tu es déjà mort


Et pour tous les autres François

Des billets gratuits

Pour la grande roue de la vie

Approchez, approchez

Tout est gratuit aujourd’hui


Bientôt n’y aura plus que mon silence

Et tous leurs cris


Et maintenant pour les petits

Une offre toute spéciale

Par ici, les amis

Tous main dans la main

Mc’dodo va vous raconter une petite histoire

Et vous allez tous très bien dormir ce soir


Le ciel est plein d’étoiles

La Terre nous envoie un Terrien

Bienvenue entrez faites comme chez vous

Folklorique et musique

zique, zique, zique

Littérature et peinture

Schschschschschschsch

Zique, zique, zique,

Schschschschschsch

Zique, zique,zique, shcschschschsch


©Denise Blais

Montréal, mai 1998

11 may 2011

Extrait de mon premier roman


Extrait de Le ciel non plus je ne pouvais pas le peindre, disponible dans toutes les bonnes bibliothèques.
Merci au Loup de Gouttière pour avoir cru en mon talent.

L'amour ce n'est jamais des mots
Mon père va venir me chercher. Il va venir. Nous irons dans le parc nous balancer de tout ce monde qui ne tourne pas rond. C'est un vrai cercle vicieux. Même les carrés sont vicieux. Et les carrés commencent à être plus vicieux que les cercles. Je vais en parler à mon docteur. Non! je n'en parlerai pas à mon docteur parce que je n'ai pas de docteur qui m'appartienne et je n'en veux pas. Il faut toujours dire le docteur, jamais mon docteur. Mon père ce n'est pas pareil. Il vient avant moi et je suis là à cause de lui. Mais Feller n'est pas mon docteur. Il n’est qu’un pauvre docteur parmi tant d’autres qui se ressemblent tous et qui cultivent les mêmes problèmes toute la journée derrière leur grand bureau. Ne veulent même pas dire leur prénom quand on leur demande. Ils en ont honte, ils n’ont pas l’air de se rendre compte que tout finit toujours par se savoir. Je sais déjà que le prénom de Feller est Donald. Il a raison de le cacher. À sa place, j’essaierais aussi de camoufler mon Feller de nom. S'il a un problème d'identité, c'est son affaire. Moi, je me mêle toujours de mes affaires. C'était le principe de mon père, et c'est un bon principe. Ça existe de moins en moins, les principes. On voit ce que ça donne. Une bande de moutons. Je ne veux pas être une moutonne. Ils ne comprennent pas qu'on peut s'écoeurer de vivre comme le troupeau. J'en ai marre de leur moutonnerie. Mon père non plus n’a jamais aimé les moutons. Il avait 33 ans quand il a déserté. Et moi à peine 6. Je n'aime pas ce chiffre, c'est un chiffre qui porte malheur. Mes préférés, ce sont 2, 4, 7 et 9, et 0 bien sûr. Avec ces cinq chiffres, on peut faire les plus belles phrases. Le 9, il faut faire attention de ne pas le mettre à l'envers. Le 0, on peut le mettre dans tous les sens. 0, on ne sait pas si c'est le début ou la fin, personne n'a jamais pu me répondre avec certitude là-dessus. Je le mets toujours à la fin. 0 c'est comme la pleine lune, c'est la perfection. C'est vrai, on n'a pas besoin de pratique pour bien faire ce chiffre-là. C'est un chiffre inné, tout le monde peut le faire. Le 3 est difficile à apprendre, la plupart des gens n'ont jamais réussi à faire de beaux 3. Le 2 est un peu plus facile. Pas beaucoup. Il ne faut pas croire que l'envers de 6 c'est 9, ça n'a rien à voir. 6 c'est un chiffre qui porte malheur, 9 c'est le bonheur. 99 c'est un instant avant d'atteindre deux 0. Et 999 999 999, c'est le plus beau mais personne ne peut l'atteindre. Personne! 0, ça ne peut pas être la nullité, c'est toujours la perfection. Comme les pyramides. 0, c'est la première lettre de l'alphabet, la dernière aussi, comme dans Zéro.Le ciel non plus je ne pouvais pas le peindre, Denise Blais, Éditions Le Loup de Gouttière, 1999, p.27-29

29 mar 2011

Ils vécurent heureux ou non?


Ce micro-récit a été écrit dans le cadre du Concours de nouvelles de Radio-Canada, 2011.

13 février, 6hAM. Dix ans de on-va-chez-toi-ou-chez-moi et jamais l’ombre d’une fleur ou d’un parfum! C’en est assez ! Marianne allonge le bras et cherche à tâtons le précieux portable sur la table de chevet. Fiévreusement, elle tape : « Je ne supporte plus ton absence de romantisme. C’est terminé ! » Voilà, c’est fait ! Il comprendra ! Imaginant son Patrick les bras chargés de roses, Marianne se rendort tranquillement.

14 février, 21h. Pas de fleurs ! Pas de messages ! Pas de Patrick ! Ça ne lui ressemble pas. Ce n’est pourtant pas la première fois qu’elle utilise la technique du C’est terminé avec lui, technique qui a toujours donné d’excellents résultats. Il aurait préféré abandonner la relation plutôt que de faire ce tout petit compromis ?

22h. Déboussolée, Marianne enfile son manteau et se dirige vers leur café, sachant que l’homme n’y sera pas puisqu’il travaille à l’autre bout de la ville. Une fois assise à leur table, Marianne commande l’habituel café, essayant de dissimuler sa mauvaise humeur. Promptement, le serveur réapparaît avec son café et un grand vase rempli d’eau. « C’est de la part de Patrick. », dit-il. « Qu’est-ce que ça signifie ? », demande Marianne. « Il a aussi laissé cette enveloppe. » Elle prend l’enveloppe, l’ouvre rapidement, et lit : « Les fleurs se fanent, reste l’eau. L’eau de ton corps, l’eau de mon cœur. Les larmes ne sont que de l’eau. Ô source de vie. »

22 mar 2011

Después del tsunami / After tsunami


-->
Érase una vez un hombre que había nacido muy bajito. Sin embargo, aunque fuera bajito, ese hombre se veía muy alto y, sobre todo, muy importante. Como estaba convencido de que era más importante que todos sus vecinos y vecinas, que todos los vecinos de los países de los alrededores, decidió pegar su nombre en cada trocito de tierra. Por lo tanto, contrató a millones de obreros que tenían la misión de pegar su nombre en cada trocito de tierra. Los obreros trabajaban largas horas y el sueño del hombre ambicioso se iba haciendo realidad. Cuando miraba su finca, cuando viajaba por el mundo, podía ver su nombre repetido millones y millones de veces y, eso, a él le encantaba. Pensaba que ya nadie podría atreverse a decir que era un don nadie. Por fin se podía ir a la cama convencido de su grandeza, de su poder y de su importancia. Sin embargo, un día hubo un terremoto enorme y desaparecieron millones de nombres. El día siguiente, un tsunami se llevó gran parte de los nombres que los obreros habían pegado tan cuidadosamente por toda la tierra. El hombre estaba destrozado, y aunque maldijera el terremoto y el tsunami, el trabajo hecho por los obreros igualmente se había perdido. ¿Cómo iba a reaccionar el hombre ante tales catástrofes? Pues, como era un hombre valiente y, sobre todo, testarudo, contrató a millones de obreros para que pegaran su nombre en cada trocito de tierra.

Este cuento forma parte de Viaje en blanco y azul

-->


1 mar 2011

Bailamos / Shall we dance?

Dibujo: Blanca Rosa Pastor Cubillo


Texto creado por La Partida, proyecto con grupo de escritores y artistas visuales.

Exposición colectiva presentada en Ca Revolta, Valencia, octubre de 2009.



En tus ojos vi el punto de partida.

Era un punto que se dibujaba desde hace tiempo.

Era una partida que se preparaba desde hace mucho tiempo.


Me dejé fluir en tu mirada. Me abandoné en tus brazos.


Te olvidaste de las antiguas luchas de poder.

Me olvidé de la sumisión y de los antiguos miedos.

Tomaste toda tu fuerza de hombre, tomé toda mi fuerza de mujer.


Y empezamos a dibujar un nuevo punto de partida.


Guiados por tu maravilloso sentido de la dirección,

Guiados por mi maravillosa intuición,

Partimos rumbo a la nueva pareja.


Confiando en tu fuerza, confiando en mi fuerza,

Aceptamos la ignorancia de la nueva pareja.


Paso a paso, descubrimos el nuevo camino.


Tu fuerza juntándose con mi fuerza, la vida se hace fácil y bella.


Compartiendo cada instante de puro amor, de pura aceptación,

Nos olvidamos de los antiguos sueños.


Tú en tu belleza de hombre. Yo en mi grandeza de mujer.

Bailamos ese baile que tanto anhelamos.


Bailamos

Bailamos

Bailamos



©2009






8 feb 2011

¿Violencia de género?


Escribí este texto en 2008 para un concurso titulado Carta abierta a un maltratador.
Querido maltratador,
Me gustaría darte las gracias. Sé que mi agradecimiento parecerá extraño a más de uno, sin embargo, la vida me ha enseñado a dar las gracias por el dolor que me permite crecer como persona. He aguantado durante muchos años tus malos tratos, pero afortunadamente al final he tenido la fuerza de ponerles fin. No sé cómo he podido quedarme atrapada tantos años en algo que no era bueno para mí. Tampoco sé cómo encontré la fuerza para salir de allí.
Ni tú ni yo hemos recibido todo el cariño y el apoyo que nos esperábamos de niños. Tanto tú como yo hemos crecido en familias donde expresar cariño no era algo normal. Hemos aprendido a ir por la vida como perros a la espera de una caricia. Por haber carecido tanto de cariño, hemos llegado a estar dispuestos a cualquier cosa por un gesto cariñoso. Y cuando digo: “estar dispuestos a cualquier cosa”, mira a qué extremo habíamos llegado…
Han pasado muchos años desde que me separé de ti y ahora puedo ver cómo funciona todo eso y cómo uno puede llegar a situaciones tan extremas. Veo lo herida que estaba y lo poco que me amaba a mí misma. También veo que a ti te pasaba exactamente igual, ya que hemos crecido en entornos similares.
Ya no te odio. Han pasado muchos años y el tiempo me ha permitido ver que me venía bien quedarme en el papel de víctima y dejarte el rol de agresor. Me venía bien complacerme en el pobre de mí y no responsabilizarme de nada. Me venía bien tener a mi lado alguien que me gritara que no valía nada ya que era lo que opinaba de mí misma para mis adentros. Fíjate, prefería aguantar los golpes y los insultos a levantarme y tomar las riendas de mi propia vida. Prefería esperar a que tú cambiases. ¡Cuántos años pasé soñando que llegarías a ser ese hombre amoroso y cariñoso que esperaba! Prefería soñar y esperar un milagro en vez de hacer yo un paso que pudiera cambiar mi vida. Quería que cambiases tú y no tener que hacer nada yo.
Hasta que un día me encontré con alguien que me enseñó que el cambio sólo lo podía hacer yo misma.
He recorrido un camino muy largo desde entonces. He crecido mucho. He aprendido a tomar mis responsabilidades sin temerlas tanto como antes. Sobre todo he aprendido a amarme y a atenderme. He encontrado por fin el cariño que estaba enterrado muy dentro de mí, por debajo del dolor y de las heridas. Y ¿sabes qué? Desde que he encontrado este tesoro, ya no estoy a la espera de que alguien se preocupe por mí o me ame. Incluso puedo recibir el cariño de la gente que me rodea.
No sé cómo estarás tú, hace años que no sé nada de ti. Espero de todo corazón que hayas llegado a sanar tus heridas hasta poder abandonar el papel de maltratador y convertirte en ese hombre cariñoso y amoroso que me hacía tanta ilusión llegar a conocer.
Estés donde estés, querido hombre, te deseo lo mejor. A mí me parece un milagro poder disfrutar de la vida tal como lo estoy haciendo ahora. Jamás pensé que pudiera llegar a estar rodeada de gente que me tratara con cariño y amor. Jamás pensé que, un día, pudiera vivir en una casa bonita y ordenada donde se respira armonía. Y eso es lo que te deseo a ti y a todos los seres humanos: una casa bonita, ordenada, donde se respire paz, amor y armonía. Espero que todos, mujeres y hombres, cultivemos y reguemos a diario ese amor que todos llevamos dentro para que nuestros hogares y nuestro planeta crezcan y florezcan hasta llegar a ser ese lugar donde se vive en el respeto.
Un abrazo fuerte

18 ene 2011

Ian - la passion

Ce texte fait partie d'un recueuil de nouvelles intitulé Des hommes.


Il a un prénom de trois petites lettres : IAN. De temps à autre, il croise mon chemin par le plus grand des hasards. Il pose ses yeux de glace bleue sur moi en me murmurant qu’il ne sait pas quelle langue parler avec moi, vu qu’il y a trois langues entre nous, vu que tout s’embrouille quand nous nous apercevons. Mon Dieu, délivrez-moi de mes péchés et donnez du pain à ceux qui n'en ont pas, apprenez-moi la compassion et épargnez-moi la passion. Je fonds lorsqu'il pose ses yeux bleu-noir sur moi. Je ne veux pas que son désir noir bleu m'étale sur la patinoire et me tue encore une fois. Je fuis ce genre d'amour : lorsqu’on se donne tellement fort que l’autre finit par avoir droit de vie et de mort sur vous. Ian, tu es Ian, et sur ton coeur, je ne poserai pas mon désir. Ne m’effleure plus de ton regard de feu glacé, je t’en prie. Pourquoi tu ne retournes pas dans ton pays, sur ton île à toi? Pourquoi? Pourquoi tu ne me dis pas tout de suite si tu veux des enfants, si tu crois en la vie. Et quels prénoms nous leur donnerons à nos enfants? Tu pourrais simplement me dire trois mots: oui, Adam et Ève. Alors la parole ne serait plus nécessaire. Que le silence ! Que nos corps ! Et cette lumière de tes yeux. Cette lumière de l'au-delà que tu partages avec moi chaque fois que tes yeux effleurent les miens. Tu me fais mal, car je résiste difficilement à cet abîme que j’ai connu avec un autre que toi. À ces vertiges que m’a fait escalader un autre de ton espèce. À l’amour de ton frère que j’ai fui puisque je me perdais en lui au point de ne plus savoir mon prénom. Pourquoi tu ne me dis pas : oui, nous aurons deux enfants et nous les appellerons Adam et Ève? Ensuite je pourrais me laisser couler. Sans oublier de rendre grâce pour mon lot quotidien. Il serait si facile de dire oui, de t’accepter, Ian, dans le hasard de ma vie. Pourtant, je résiste.

Je résiste et je résisterai car je ne suis plus dupe de l’amour-passion, de l’amour-tentation, de l’amour-fascination. Oui, voilà ce qui nous unit au point de nous faire perdre l’usage de la parole : la fascination. Dans un éclair de lucidité, je me rends compte que tu ressembles physiquement à cet autre à qui j’ai tout donné jusqu’au point de perdre mon prénom. Même couleur et même texture de cheveux, même stature, même façon de fumer, de marcher. Ô éclair de lucidité qui cette fois me sauvera la vie : c’est lui, ce grand amour que j’ai vécu, que je projette sur toi. Projection parfaite. Fascination fascinante. Désir irrépressible que tes yeux froids et chauds tout à la fois ne fassent qu’une morte de moi. Que ton désir m’étale sur le plancher et que j’y reste pendant que tu me tournes le dos, incapable d’atteindre la tendresse qui existe quelque part en toi. Comme je la connais la scène! Comme j’aimerais encore me sacrifier pour le plaisir de t’extirper un grain de tendresse! Je vois ta froideur, et à travers toi, la froideur qu’a dû avoir ton père et avant lui, son propre père… Et pourtant ta glace allume mon feu et nous devons nous fuir pour être sûrs que nous ne ferons pas les gestes qu’un homme et une femme regrettent si facilement au moment de se rhabiller. Alors je dis : ne me déshabille pas du regard, ne m’adresse plus la parole, ne m’invite surtout pas dans ton antre, car je pourrais très bien… Et puis, tu sais, j’ai découvert ton secret : quand tu poses tes yeux sur moi, ce n’est pas moi que tu vois. C’est cette autre qui t’a tué parce que tu l’as trop aimée. Même corps fragile, même délicatesse, même réserve, même accent. Écoute l’accent qui te fascine tellement, écoute-le te murmurer : Ian, tu es Ian, et sur ton corps, je ne poserai pas mon désir. Je le jure.

31 dic 2010

Feliz año 2011! / Bonne année 2011!

Érase una vez una niña feliz. Tenía madre, padre, cuatro hermanos, cuatro hermanas, dos abuelas y dos abuelos, y muchos tíos, tías, primos y primas, también amigos y amigas. Cuando tenía hambre por la tarde, al volver del colegio, iba a ver a su padre que era dueño del minimercado del pueblo, y decía: Papá, tengo hambre. Y su padre le decía: ¿Quieres un poco de queso? Y la niña respondía: ¿Es queso de plástico o queso de algodón? Y su padre le daba un trozo del mejor queso del mundo, que estaba muy fresquito, y muy contento. Era un queso todavía vivo, porque salía de la pequeña fábrica del pueblo de al lado y venía empaquetado en un tejido de algodón lleno de agujeros para que pudiera respirar. Cuando se lo comía la niña el queso decía: scouic, scouic. Decía scouic porque estaba contento de alimentar a la niña y a la niña le encantaba escuchar su queso. Olía bien, estaba buenísimo y, sobre todo, le hablaba. Porque cada vez que masticaba ella, el queso respondía: scouic, scouic. Con ella compartía su placer de estar vivo.



Il était une fois une fillette heureuse. La fillette était entourée d’une mère, d’un père, de quatre frères, quatre sœurs, de deux grands-mères et deux grands-pères, de plusieurs oncles, tantes, cousins et cousines, ainsi que de plusieurs amis. Quand elle avait faim, au retour de l’école, elle allait voir son père qui était propriétaire du dépanneur du village, et disait : Papa, j’ai faim. Et son père disait : Veux-tu un peu de fromage ? La fillette demandait alors : C’est du fromage de plastique ou du fromage de coton ? Et son père lui donnait un morceau du meilleur fromage au monde qui était bien frais et tout content. C’était un fromage encore vivant puisqu’il venait de la fromagerie du village d’à côté et qu’il était enveloppé dans un coton tout plein de trous pour qu’il puisse respirer. Quand la fillette mordait dans son fromage, celui-ci disait : scouic, scouic. Il disait scouic parce qu’il était content de nourrir la fillette et celle-ci adorait écouter son fromage qui sentait bon, qui était délicieux et surtout qui lui parlait. Chaque fois qu’elle mastiquait, le fromage répondait : scouic, scouic. C’était sa façon de partager avec elle son plaisir d’être vivant.

21 dic 2010

Wilfrid - grand-papa


Ce texte fait partie d'un recueuil de nouvelles intitulé Des hommes.

Grand-papa. Grand-père maternel. Le père de ma mère…
Tu as vu ma mère naître et aussitôt tu as dû t’en séparer. Grand-maman est morte quelques jours après avoir donné naissance à ma mère et tu as cru que ce poupon avait besoin d’une mère-substitut pour vivre et pour croître. Je ne me demanderai pas si tu as eu tort ou raison, je m’en tiendrai simplement aux faits. Tu as donc donné ton quatrième enfant en adoption. Tu n’aimais pas l’expression donner en adoption ; je te comprends. Il y a des moments dans la vie où il semble impossible de trouver les mots adéquats pour désigner des réalités si pleines d’émotions qu’on préférerait que les mots n’existent pas puisqu’ils semblent insuffisants, vides de sens.
Doublement déchiré, d’abord par la perte de ta femme, puis par celle de ta troisième fille. Je ne peux sûrement pas m’imaginer toute ta peine et ton tourment. Et toutes tes responsabilités, puisque tu restais tout de même avec trois enfants à ta charge. Il m’est difficile de me mettre dans ta peau. Peut-être parce que je préfère rester dans la mienne. Peut-être parce que je préfèrerais m’en tenir à l’absence plutôt que d’envisager la compassion.
En commençant cette lettre, j’avais surtout l’intention de te dire que, pour moi, tu as été un fantôme, une ombre qui plane quelque part, quelque chose d’absent et de présent tout à la fois. Oui, j’avais la ferme intention de te décrire cette ombre, cette absence, ce vide, ce malaise, qui étaient liés à ton nom… Pour que tu saches que, malgré tout, tu fais partie de ma vie. J’avais probablement la ferme intention de me placer dans le rôle de victime en quelque sorte et de te laisser savoir comment ton absence, à travers le corps de ma mère et plus tard à travers le mien, a miné ma vie.
Me souvenir de toi pour mieux t’accuser, pour donner une explication aux blessures maternelles, pour trouver un coupable à toute la souffrance qui court dans la famille…
Mais finalement, je m’en suis simplement tenu aux faits, et j’ai écrit : « Tu as vu ma mère naître et aussitôt tu as dû t’en séparer. Grand-maman est morte quelques jours après avoir donné naissance à ma mère et tu as cru que ce poupon avait besoin d’une mère-substitut pour vivre et pour croître. Doublement déchiré, d’abord par la perte de ta femme, puis par celle de ta troisième fille. »
Soudain, tu n’es plus un fantôme, une ombre qui plane, tu deviens un homme qui a eu un destin difficile, un homme qui a souffert, pleuré, ri, et qui a continué de vivre malgré la mort de sa femme et la perte de sa fille. Un homme qui a pris les décisions qui s’imposaient. Mon envie de t’inculper de la séparation de sa famille d’origine dont a souffert ma mère persiste... La séparation a dû être déchirante pour toi, comme elle l’a été pour ta fille. Comme elle l’a été pour nous, tes petits-enfants, qui, à travers notre mère, avons vécu cette séparation comme une exclusion de la famille. C’est pourquoi, à notre tour, nous t’avons exclu de notre cœur, te permettant de flotter tel un fantôme dans notre maison, mais sans jamais te donner une place dans notre cœur, sans jamais nous incliner devant toi, devant ton destin, sans jamais reconnaître que tu fais partie de notre vie.
Grand-papa, j’aurais aimé avoir toute une valise de souvenirs de toi, de nous, mais la vie a voulu que ces souvenirs n’existent pratiquement pas. Cependant, malgré le peu d’images, le peu de souvenirs que je possède, aujourd’hui, je m’incline devant toi et je te dis merci. Tu n’es pas le grand-père vivant et rieur dont je rêvais, mais tu es bien mon grand-père, celui qui m’a transmis la vie, l’amour pour la vie et pour les arts. Grand-papa, aujourd’hui, je quitte le voile de la colère et de l’accusation qui recouvrait mon amour pour toi et je te dis merci.
Prends ta petite-fille dans tes bras et donne-lui tous les baisers que ton cœur de grand-père contient, car je peux enfin les recevoir. Mon cœur de petite-fille t’embrasse et est enfin disposé à recevoir ta bénédiction, la bénédiction d’un grand-père qui désire ardemment que ses petits-enfants connaissent le bonheur et la prospérité.
Aujourd’hui, je cherchais peut-être encore un coupable à ma souffrance et aux souffrances des miens, cependant, j’ai rencontré un homme, avec ses propres blessures et son propre destin. J’ai rencontré un grand-père. J’ai rencontré mon grand-père. J’ai enfin rencontré et reconnu mon grand-père.
Grand-papa, je t’embrasse et je t’aime.

14 dic 2010

Desmontar o El peso




¿Quién se levanta primero —se preguntaba la niña—, el sol o mi padre?

Como a la niña le gustaba dormir más que vivir, nunca lo pudo averiguar. El hecho es que cuando se levantaba ella su padre siempre estaba en pie, ya trabajando desde hacía muchas horas. Su padre le decía que se había levantado antes que el sol; le decía que el porvenir pertenece a los que se levantan temprano, que los que duermen cuando el sol brilla son unos perezosos.

La niña no se percibía como perezosa porque sabía que no se trataba de pereza sino de peso. Había un peso sobre sus hombros que le impedía saltar de la cama e ir corriendo feliz hasta el césped para saludar al sol. Le daba pena que su padre no viese ese peso, porque si lo hubiera visto, seguro que se lo hubiera podido quitar.

La niña, como todas las niñas, veía a su padre como a un dios, un dios omnisapiente, omnipotente y perfecto. Jamás culpó a su padre por no ver el peso que tenía que aguantar ella y que le impedía correr y cantar por la casa. Incluso aceptaba que su padre la llamara perezosa y le echara la culpa del cansancio de su madre, que siempre estaba cansada. La niña, como todos los niños, aparte de que necesitaba a su padre para sobrevivir, adoraba su papá y estaba dispuesta a hacer cualquier cosa por él, incluso morir si fuera necesario. Por eso, nunca protestó cuando su padre le echaba encima la culpa de todo. Tomaba la culpa que le echaba y la ponía en sus hombros, encima de lo que ya llevaba. A veces el peso era tan grande que la niña no se podía levantar. Se quedaba en la cama hasta muy tarde, preguntando a Dios por qué le había regalado tanto peso a ella. Podía oír a sus vecinos jugando y riéndose en la calle y deseaba juntarse con ellos, pero no podía. El peso no la dejaba. Sus padres la necesitaban y decían que primero había que cumplir con las tareas de la casa y del negocio, que nunca se acababan. No había tiempo para jugar, sólo para trabajar.

No había tiempo para jugar, sólo para trabajar.

A la niña le tocaba parte del trabajo. Sin embargo, no se trataba de compartir las tareas. Se trataba de compartir una culpa heredada que lo hacía todo pesado porque algo no se había hecho bien y tenían que pagar todos. Ya nadie sabía qué era lo que se había hecho mal, sin embargo, todos estaban dispuestos a pagar, a llevar la culpa encima de sus hombros, a bajar la cabeza y a sufrir todos los días del año. La niña, como todos los niños, simplemente, hacía como sus padres: bajaba la cabeza y sufría todos los días del año.


Este texto forma parte de Viaje en blanco y azul